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Cooke-Sasseville / MOURIR ENFIN





À
première vue, ça surgit comme une hallucination qui dure le temps qu'on passe de l'antichambre claire à la salle obscure : il y a d'abord le chic, puis le choc et la découpe...

Derrière la balustrade, l'étalage est cadré en « vitrine cinémascope ». La communion se fait debout et sans tirer la langue. Au cœur de la pénombre, comme s'ils étaient sous une cloche de verre, des ventriloques tiennent des lampes torches comme des poignards : armes blanches dans le noir, volatile. Extinction de voix, rapaces exangues, machines rotatives : encore jeune, la terre continuera de tourner.

Mise en scène à l'avenant comme seuls le feraient des étalagistes de haut vol — Koons, BGL, Greenaway, Linch— la pièce montée de Cooke-Sasseville est superbe tant elle respecte les lois de la gravité plastique. L'image d'Épinal, c'est le moins qu'on puisse dire, fait à la fois sourire et monter dans la gorge une inquiétude de passage.

Théâtre d'opérations sanguinaires, l'installation conjugue en effets tout le futur de l'art contemporain : non plus au registre de la galerie d'art mais au registre de la scène. La chose est cruciale et sans équivoque : là, devant, s'exécute en boucle une tragédie comique, irréversible, réglée comme une horloge. Shakespeare et mannequins en stock, il n'y manque que le pendillon... C'est cela, Cooke-Sasseville, un vrai double bind médiatique, l'un passant côté cour, l'autre côté jardin, comme on passe l'arme à gauche pour devenir demi-Dieux...

À la lueur du sang séché, on comprend que Mourir enfin soit une opération complexe et délicate, soit celle de dire par une allégorie motorisée tous les bienfaits de la suspicion.

Installation présentée à Québec dans le cadre de la Manif d'art 5, mai et juin 2010.

Article publié le 1 juin 2010

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