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Sylvie Larouche / LES THÉÂTRES IDENTITAIRES




On est aspiré, je dirais même, envoûté dès que l'oeil touche de plein fouet le visage au centre de chaque photographie. On avance, on regarde de plus près, puis de très très près... Les marges s'estompent, le rideau tombe. Un portrait ? Oui, des figures et leurs décors, aussi vrais qu'une signature. Puis on croit se reconnaître devant cet autre, planté-là comme un arbre, qui nous ressemble, mais tellement... se voir, voilà, en figures de « style » parées de papiers, de bricoles et de tissus accumulés. Le tout cadré dans un carré, parfait, disposé comme les pièces d'un chalet inventé en pleine ville : bric-à-brac, bricolages et patentes raisonnés. Ébahis, nous le sommes et le restons tout le temps qu'on déambule dans ce vestiaire de visages familiers que nous propose l'artiste Sylvie Larouche.

Je dis familier à dessein parce qu'il s'agit d'un condensé d'images familières, rigoureusement ficelées, qui fait sourire de plénitude tellement il brille de vérité. Oui... j'ai dit vérité parce que certains mots n'ont plus cours. On a certes théorisé à plus finir sur la construction photographique, ses mises en scène bancales et ses faux-semblant, engendrant le doute conditionné, la désuétude du plus vrai-que-vrai, parfois même le refus de voir. Mais il arrive que certaines images nous happent comme la foudre. Et à bien y regarder, nos mains en sont parfois brûlées, nos rétines anéanties. Le réel de la photographie, cette vertu ontologique qui en fait toujours l'écho de quelque chose qui a été, ce « possible absolu » qui nous trouble et nous émerveille en dépit du relativisme ambiant, c'est de cela dont nous parlent les photographies de Sylvie Larouche. Traces tangibles de la vérité en photographie, ses images ont pour titre Catherine, Paulo, Michel, Roland. Ils sont là, sur et par-devers l'image. On les a croisées dans la rue, côtoyées dans un bar, ces figures et leurs décors, aussi réels ou vraisemblables qu'un tremblement de terre à Jacmel.

Une belle leçon de photographie en somme, inspirée de l'approche intime et réfléchie qu'a inventée Lisette Model, et qu'ont renouvelée à leur manière Diane Arbus, Michel Campeau, Nan Goldin, Donigan Cumming, pour en nommer quelques-uns. Tout cela pour signifier combien la quête identitaire de Sylvie Larouche est fabuleuse et réussie : rituels initiatiques saisissants tout autant qu'insaisissables, un genre de « week-end au paradis terrestre »...  Sylvie Larouche nous mène avec candeur, et sans contredit, très près de nos vérités intimes devenues choses communes. De la marginalité, de la différence, vous en voyez vraiment dans ces images ? Moi pas. À n'en pas douter, plus vrai-que-vrai, le propos de Sylvie Larouche est politique, comme il en est de toute photographie, nous dévoilant nos parts cachées à même quelques images d'un voisinage soigneusement préparé, et réussissant, ma foi, à nous montrer du doigt tel que nous sommes.


LES THÉÂTRES IDENTITAIRES, une exposition présentée en octobre et novembre 2011 à  VU, centre de production et de diffusion de la photographie. Photo, courtoisie de Sylvie Larouche / VU ©

Article publié le 1 novembre 2011

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